QLog (Quantized Log)

La fiabilité de la cryptographie quantique remise en cause

Classé dans : Cryptographie, quantique — Sebastiao Correia 3 mars 2010 @ 0:23
Imprimer ce billet Imprimer ce billet

Eve

La cryptographie quantique utilise la physique quantique pour assurer la sécurité de la transmission d’information entre deux personnes. Un des problèmes principaux dans la cryptographie est d’une part de chiffrer l’information à transmettre et d’autre part de partager avec le destinataire la méthode et la clé pour le déchiffrement du message.

Le point faible est très souvent la clé, qui lorsqu’elle est réutilisée plusieurs fois, peut permettre à un espion de découvrir la méthode de chiffrement utilisée. Si la clé est changée lors de chaque échange de message, alors il y a vraiment peu de chance qu’un espion puisse découvrir le message (pour peu que la méthode chiffrement soit quand même suffisament robuste). Le problème se pose alors de transmettre cette clé au destinataire.

Comment transmettre cette clé ? On peut la chiffrer par une autre technique, mais on ne fait que déplacer le problème. Cette autre technique utilisant très probablement une autre clé qu’il faudra bien transmettre.

Ici, la physique quantique offre une solution élégante pour partager une clé entre deux personnes grâce à l’impossibilité pour un espion de dupliquer les informations transmises sans se faire repérer (voir l’impossibilité du clonage quantique). Je vous invite à lire cet article d’Artur Ekert qui explique très simplement comment la clé peut être créée et pourquoi le partage de la clé entre les deux personnes souhaitant communiquer est sécurisé.

Maintenant, tout ça pour dire que finalement, le protocole quantique de transmission de la clé n’est peut-être pas aussi inviolable que l’on pensait.

Un groupe de recherche a présenté une faille dans ce protocole tout à fait utilisable pour récupérer intégralement la clé sans que ni l’expéditeur, ni le destinataire ne soient au courant :

How you can build an eavesdropper for a quantum cryptosystem (présentation)

Les auteurs utilisent les caractéristiques des détecteurs de photons. Ceux-ci peuvent être rendus aveugles (i.e. ne plus détecter aucun photon) s’ils sont noyés sous un flux important de photons. Il devient totalement insensible aux photons envoyés un par un. Le détecteur peut être déclenché à nouveau si un flux plus brillant encore lui est envoyé.

Un espion peut donc utiliser ce système pour déclencher le détecteur sur commande. Ainsi, il peut intercepter les photons envoyés par l’expéditeur et mesurer la clé en utilisant la même configuration de détecteur que le destinataire. Pour chaque bit reçu, l’espion peut déclencher un événement sur le détecteur du destinataire qui ne se rendra pas compte que la clé a été interceptée.

La solution pour contrer l’espion serait de mesurer l’intensité du flux de photons, mais je ne sais pas dans quelle mesure cela pourrait être fait pendant l’émission de la clé sans perturber la transmission.

Un article d’une page résumant le principe : S. Sauge, V. Makarov, and A. Anisimov, “Quantum hacking: how Eve can exploit component imperfections to control yet another of Bob’s single-photon qubit detectors,” presented at CLEO/Europe-EQEC 2009, Munich, Germany, June 14–19, 2009.

L’article plus complet sur arXiv : Controlling passively-quenched single photon detectors by bright light

Réalisme et interaction à distance ?

Classé dans : Physique, quantique — Sebastiao Correia 15 décembre 2009 @ 22:47
Imprimer ce billet Imprimer ce billet

Voici un point de vue intéressant sur les expériences EPR et EPRB (EPRB étant la version de Bohm de l’expérience EPR appliquée aux spins). Michel Gondran reprend la théorie de l’onde pilote de de Broglie et propose une autre interprétation avec laquelle il arrive à concilier les « interactions à distance » prouvées par les expériences d’Alain Aspect et le réalisme cher à Einstein et nécessaire à la relavité générale. Pour cela, il insiste sur la distinction  entre EPR et EPRB, distinction qui est souvent passée sous silence ou au mieux ramenée à une simple question de facilité de mise en oeuvre pratique.

Le point essentiel tourne autour de l’éther de la relativité générale (concept réintroduit par Einstein pour la relativité générale alors que précédemment supprimé dans le cas de la relativité restreinte).

Je conseille la lecture de cet article qui présente succintement de manière claire le point de vue de l’auteur sur  l’historique du paradoxe EPR et les interprétations que l’on peut en faire.

A noter que selon l’auteur, sa thèse le pousse à penser que les ordinateurs quantiques ne sont pas réalisables à grande échelle (c’est-à-dire pouvant manipuler un grand nombre de qubits). La raison ne serait pas à chercher dans la décohérence comme le pensent beaucoup de chercheurs, mais plutôt dans le principe fondamental qui veut que la fonction d’onde n’a pas de réalité mais que la particule en a une (selon l’interprétation de de Broglie).

Affaire à suivre…

A lire sur le blog d’Automates Intelligents.

Séminaire Poincaré

Classé dans : Général, Physique, Rendez-vous, Science — Sebastiao Correia 2 octobre 2009 @ 22:23
Imprimer ce billet Imprimer ce billet

Samedi 21 novembre aura lieu le prochain Séminaire Poincaré sur

Les verres et matériaux granuleux

Ce domaine de recherche permet de comprendre entre autres phénomènes le chant des dunes.

Le programme prévu est

Lieu : Institut Henri Poincaré, 11 rue Pierre et Marie Curie, Paris.
Accès ici.

Pile ou face

Classé dans : Maths, Physique, Statistiques — Sebastiao Correia 1 mars 2009 @ 16:59
Imprimer ce billet Imprimer ce billet

Voici un article de revue qui peut intéresser les joueurs ;-) Les auteurs étudient de façon précise la dynamique du  jet d’une pièce de monnaie d’épaisseur non nulle.

Ils étudient la configuration finale de la pièce (pile, face, tranche) en fonction des paramètres initiaux que sont la position, la configuration, l’impulsion et le moment angulaire à l’origine du mouvement. Chaque point de l’espace des paramètres initiaux conduit à une configuration finale. La configuration finale a 3 bassins d’attraction dans l’espace des paramètres : le bassin d’attraction « pile », le bassin d’attraction « face » et le bassin d’attraction « tranche » (c’est-à-dire les paramètres initiaux conduisant à « pile », « face » ou « tranche »).

Les équations gouvernant le mouvement de pièce sont celles de la mécanique de Newton. Ces équations sont déterministes et donc à moins d’une influence externe aléatoire ou d’une dynamique chaotique, le résultat du jet est déterminé uniquement par les conditions initiales.

Les auteurs affirment que la configuration finale de la pièce peut être prédit de façon précise lorsque les conditions initiales sont connues. Il n’y a pas d’incertitude dynamique due à une divergence exponentielle due à une sensibilité aux conditions initiales ou à des frontières fractales des bassins d’attraction.

L’analyse a été faite avec une pièce en 3 dimensions ayant une épaisseur. Le cas des pièces uniformes et non-uniformes, l’influence de la résistance de l’air et l’impact de la pièce sur le sol ont également été étudiés.

Il en résulte que

  1. La résistance de l’air dévie la trajectoire du centre de masse de la pièce de la verticale et amortit les rotations. Elle peut être négligée lorsque la hauteur est faible.
  2. Les rebonds de la pièce sur la surface influent sur le résultat : des rebonds successifs introduisent une sensibilité accrue aux conditions initiales indiquant la mise en place d’un phénomène chaotique.

Les frontières entre les différents bassins d’attraction dans l’espace des paramètres initiaux sont lisses (non fractales). On trouve donc des régions dans l’espace des paramètres pour lesquelles on peut déterminer de façon certaine le résultat du lancer. Cependant, en pratique, ces régions sont si petites qu’un changement des paramètres initiaux permet facilement de franchir la frontière entre deux régions.

On peut donc continuer à tirer à pile ou face lorsque l’on veut prendre une décision de manière aléatoire, du moment que l’on ne maîtrise pas complètement les paramètres initiaux ou que la pièce rebondit plusieurs fois…

Référence : Physics Reports : Dynamics of coin tossing is predictable de J. Strzałko et al.

Conférence IAP

Classé dans : Physique, Rendez-vous — Sebastiao Correia 11 février 2009 @ 0:59
Imprimer ce billet Imprimer ce billet

Pour ceux que ça intéresse, une conférence de Gilles Cohen-Tannoudji aura lieu le 3 mars à l’Institut d’Astrophysique de Paris.
Le titre : « Une brève histoire de la matière ».

Plus d’info sur http://www.iap.fr/InformationCommunication/ConferencesPubliques/ConferencesPubliques.html

Séminaire Poincaré : « Physique et biologie »

Classé dans : Physique, Rendez-vous, Science — Sebastiao Correia 23 décembre 2008 @ 22:50
Imprimer ce billet Imprimer ce billet

Après une absence longue de plus d’un an, les séminaires Poincaré reprennent. Le prochain aura lieu le 31 janvier et portera sur la physique et biologie.

Le programme prévu est le suivant :

Voilà peut-être une journée qui pourra réjouir quelques blogueurs à la frontière entre biologie et physique ;-) (Voir les discussions de Pablo et Tom Roud).

Rendez-vous également sur le site officiel pour y trouver les textes des précédents exposés.

La structure nucléaire de 7000 noyaux

Classé dans : Physique — Sebastiao Correia 26 novembre 2008 @ 0:39
Imprimer ce billet Imprimer ce billet

En visitant les stands de la fête de la science au Grand-Palais l’autre week-end, j’ai trouvé cette information dans une brochure du CEA. Cette carte en ligne du CEA présente 7000 noyaux allant du noyau de carbone au noyau d’Untrinilium en passant par le darmstadtium.
Tous ces noyaux n’ont pas encore été découverts, mais le calcul de leurs propriétés est déjà prêt. La chasse se poursuit notamment au GANIL.
Le supercalculateur CCRT du CEA utilisé a une puissance de 50 téraflops !! Impressionnant ?
D’après ce classement, il n’est que le 64ième mondial. Les neufs premiers du classement sont américains et le 10ième est chinois. Le premier français est 14ième.

Emergence de la mécanique quantique

Classé dans : Statistiques, quantique — Sebastiao Correia 12 novembre 2008 @ 2:08
Imprimer ce billet Imprimer ce billet

Sur le même sujet que le précédent billet, voici un article récent de C. Wetterich qui montre comment la mécanique quantique peut émerger de la statistique classique. La présentation est plus ardue que pour l’article de Klein, mais semble aussi plus complète.
Après une première lecture, je note que Wetterich retrouve la plupart des lois de la mécanique quantique à partir du concept d’observable probabiliste : le principe d’incertitude de Heisenberg, la superposition des états quantiques, les interférences, les caractéristiques de l’intrication quantique, l’apparition de la fonction d’onde, les états purs et impurs, l’équation de Schrödinger et même la décohérence.

Pour le moment, je n’ai pas encore tout saisi donc je ne dirai rien de plus précis sur ce papier et surtout pas s’il y a un lien entre ce papier et celui de Klein. Je dois un peu plus étudier cet article avant d’être capable de le dire.

Cependant, une phrase de la conclusion me surprend tout de même :

it is well known that classical statistics can be obtained as limiting case of quantum mechanics

Pour moi, ça ne me semble pas si évident. On connaît en effet en mécanique quantique la limite semi-classique qui consiste à faire tendre la constante de Planck vers 0, mais cela ne suffit pas à retrouver la physique classique. Si la physique classique pouvait se déduire de la physique quantique, on comprendrait certainement mieux cette dernière. Il semble ajouter cette phrase pour éviter d’entrer dans le débat des interprétations de la mécanique quantique uniquement, bien que tout l’article essaie de montrer que la mécanique quantique pourrait se comprendre comme une théorie statistique classique.

Quoiqu’il en soit, cet article mérite d’être approfondi et notamment deux références antérieures du même auteur qui sont des exemples explicites de la relation entre statistique et mécanique quantique :

La mécanique quantique comme théorie statistique

Classé dans : Statistiques, quantique — Sebastiao Correia 1 novembre 2008 @ 22:15
Imprimer ce billet Imprimer ce billet

Il est couramment reconnu que la mécanique quantique est une théorie probabiliste ne permettant pas de prédire des événements individuels, mais s’attachant plutôt à donner des probabilités d’apparition de chaque type d’événement. En ce sens, la mécanique quantique est plutôt une théorie statistique qu’une théorie déterministe.
L’article suivant « The statistical origin of quantum mechanics » enfonce le clou et va plus loin.

Tout d’abord, l’auteur définit trois types de théories :

  1. type 1 : les théories déterministes. Un événement est complètement décrit par les lois déterministes et la connaissance des conditions initiales. L’exemple type est la mécanique classique.
  2. type 2 : les lois sont déterministes mais les conditions initiales sont inconnues. Les prédictions de ces théories portent sur un ensemble d’individus. L’exemple type est la mécanique statistique
  3. type 3 : il n’y a plus ni lois déterministes, ni conditions initiales connues. Nous allons voir que ce type de théories comprend la théorie quantique (même si l’équation de Schrödinger est déterministe, elle ne porte pas pour autant sur des événements individuels)

L’auteur commence avec un ensemble de deux équations différentielles (lois déterministes) d’un système classique à une dimension.
d/dx x(t)={p(t)}/m
d/dt p(t)=F(x(t))
F=-{dV(x)}/dx
Les observables du système, que sont la position x et l’impulsion p, sont ensuite remplacées par les valeurs moyennes de variables aléatoires ayant chacune une loi de probabilité inconnue. Les équations obtenues forment une théorie non déterministe puisque les lois ne s’appliquent plus à des événements individuels mais à des ensembles statistiques.

L’auteur appelle cet ensemble d’équations les conditions statistiques. Ces équations définissent une infinité de théories possibles. Pour restreindre le champ des théories possibles, une loi de conservation locale des probabilités est supposée. Avec cette loi de conservation et les conditions statistiques, l’auteur retrouve des caractéristiques propres à la théorie quantique comme la représentation de l’impulsion sous forme d’opérateur hermitique et la relation entre les densités de probabilité dans l’espace de configuration et celles dans l’espace des impulsions (équ. 20).

En passant, l’auteur trouve une condition de classicalité des théories sous la forme d’une condition d’indépendance de S(x,t) dans la densité de probabilité de la position rho(x,t), S étant une fonction obtenue après transformation des conditions statistiques. Il montre ainsi que les théories de type 1 et 2 sont classiques et que les théories de type 3 sont non classiques dans le sens où S dépend de rho. Par ailleurs, cette dépendance ne peut pas être décrite par des concepts de théories déterministes sous forme d’« interaction » (on pense ici à l’intrication quantique).

L’équation de conservation de probabilité et la deuxième condition statistique conduisent aux parties réelles et imaginaires respectivement de l’équation de Schrödinger.

La loi de conservation de l’énergie découle habituellement des équations (via le theorème de Noether). Ici, puisque les lois ne s’appliquent plus à des événements individuels, elle doit être posée comme condition statistique : « La moyenne statistique de la variable aléatoire énergie est indépendante du temps ». L’auteur montre ensuite que la mécanique quantique est la seule théorie statistique qui vérifie cette condition supplémentaire.

Les concepts mathématiques de la mécanique quantique

Classé dans : Maths, quantique — Sebastiao Correia 22 octobre 2008 @ 22:24
Imprimer ce billet Imprimer ce billet

Voici un livre sur les mathématiques utilisées en physique quantique : Guide to Mathematical Concepts of Quantum Theory. Il est conçu comme un guide présentant les différents concepts mathématiques nécessaires pour aborder la théorie quantique.

Une expérience de physique quantique peut se découper en plusieurs phases :

  1. la phase de préparation
  2. la phase d’évolution
  3. la phase de mesure

Selon les descriptions, la phase d’évolution peut être absorbée dans l’une des deux phases (voir par exemple p. 32 de mon résumé du livre de Bitbol).

On retrouve ces étapes dans les différents chapitres du livre :
Les auteurs introduisent étape par étape les concepts de la théorie quantique d’un point de vue mathématique. Le livre commence par un rappel sur l’espace de Hilbert, puis enchaîne sur les définitions des états quantiques et de leurs effets (définis comme les valeurs possibles que peuvent prendre les états quantiques lors des mesures). Les observables sont vues comme une collection d’effets et un chapitre entier leur est dédié. La phase d’évolution est présentée au chapitre 5 avec les opérations et les canaux quantiques. Puis viennent la mesure et l’intrication.

Les auteurs ne font pas que présenter le formalisme mathématique de la physique quantique, ils abordent également des problèmes d’actualité tels que la cryptographie quantique avec la distribution des clés quantiques, les ordinateurs quantiques (théorème de non clonage quantique)…

L’intérêt du livre est double : il se propose d’être un guide mathématique des concepts de la théorie quantique et ce guide est objectif en ce sens qu’il ne propose aucune interprétation du formalisme quantique (voir la fin de ce billet pour un mot sur les interprétations ou bien l’article de wikipedia plus complet). C’est ce qui le rend intéressant. Même si notre esprit éprouve des difficultés à appréhender le monde quantique, il est tout de même capable de produire une théorie mathématique falsifiable.

Comprendre les mathématiques capables de reproduire les divers phénomènes de la nature me paraît un bon point de départ pour comprendre la nature elle-même.

<<< Page Précédente - Page Suivante >>>