QLog (Quantized Log)

Pile ou face

Classé dans : Maths, Physique, Statistiques — Sebastiao Correia 1 mars 2009 @ 16:59
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Voici un article de revue qui peut intéresser les joueurs ;-) Les auteurs étudient de façon précise la dynamique du  jet d’une pièce de monnaie d’épaisseur non nulle.

Ils étudient la configuration finale de la pièce (pile, face, tranche) en fonction des paramètres initiaux que sont la position, la configuration, l’impulsion et le moment angulaire à l’origine du mouvement. Chaque point de l’espace des paramètres initiaux conduit à une configuration finale. La configuration finale a 3 bassins d’attraction dans l’espace des paramètres : le bassin d’attraction « pile », le bassin d’attraction « face » et le bassin d’attraction « tranche » (c’est-à-dire les paramètres initiaux conduisant à « pile », « face » ou « tranche »).

Les équations gouvernant le mouvement de pièce sont celles de la mécanique de Newton. Ces équations sont déterministes et donc à moins d’une influence externe aléatoire ou d’une dynamique chaotique, le résultat du jet est déterminé uniquement par les conditions initiales.

Les auteurs affirment que la configuration finale de la pièce peut être prédit de façon précise lorsque les conditions initiales sont connues. Il n’y a pas d’incertitude dynamique due à une divergence exponentielle due à une sensibilité aux conditions initiales ou à des frontières fractales des bassins d’attraction.

L’analyse a été faite avec une pièce en 3 dimensions ayant une épaisseur. Le cas des pièces uniformes et non-uniformes, l’influence de la résistance de l’air et l’impact de la pièce sur le sol ont également été étudiés.

Il en résulte que

  1. La résistance de l’air dévie la trajectoire du centre de masse de la pièce de la verticale et amortit les rotations. Elle peut être négligée lorsque la hauteur est faible.
  2. Les rebonds de la pièce sur la surface influent sur le résultat : des rebonds successifs introduisent une sensibilité accrue aux conditions initiales indiquant la mise en place d’un phénomène chaotique.

Les frontières entre les différents bassins d’attraction dans l’espace des paramètres initiaux sont lisses (non fractales). On trouve donc des régions dans l’espace des paramètres pour lesquelles on peut déterminer de façon certaine le résultat du lancer. Cependant, en pratique, ces régions sont si petites qu’un changement des paramètres initiaux permet facilement de franchir la frontière entre deux régions.

On peut donc continuer à tirer à pile ou face lorsque l’on veut prendre une décision de manière aléatoire, du moment que l’on ne maîtrise pas complètement les paramètres initiaux ou que la pièce rebondit plusieurs fois…

Référence : Physics Reports : Dynamics of coin tossing is predictable de J. Strzałko et al.

Emergence de la mécanique quantique

Classé dans : Statistiques, quantique — Sebastiao Correia 12 novembre 2008 @ 2:08
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Sur le même sujet que le précédent billet, voici un article récent de C. Wetterich qui montre comment la mécanique quantique peut émerger de la statistique classique. La présentation est plus ardue que pour l’article de Klein, mais semble aussi plus complète.
Après une première lecture, je note que Wetterich retrouve la plupart des lois de la mécanique quantique à partir du concept d’observable probabiliste : le principe d’incertitude de Heisenberg, la superposition des états quantiques, les interférences, les caractéristiques de l’intrication quantique, l’apparition de la fonction d’onde, les états purs et impurs, l’équation de Schrödinger et même la décohérence.

Pour le moment, je n’ai pas encore tout saisi donc je ne dirai rien de plus précis sur ce papier et surtout pas s’il y a un lien entre ce papier et celui de Klein. Je dois un peu plus étudier cet article avant d’être capable de le dire.

Cependant, une phrase de la conclusion me surprend tout de même :

it is well known that classical statistics can be obtained as limiting case of quantum mechanics

Pour moi, ça ne me semble pas si évident. On connaît en effet en mécanique quantique la limite semi-classique qui consiste à faire tendre la constante de Planck vers 0, mais cela ne suffit pas à retrouver la physique classique. Si la physique classique pouvait se déduire de la physique quantique, on comprendrait certainement mieux cette dernière. Il semble ajouter cette phrase pour éviter d’entrer dans le débat des interprétations de la mécanique quantique uniquement, bien que tout l’article essaie de montrer que la mécanique quantique pourrait se comprendre comme une théorie statistique classique.

Quoiqu’il en soit, cet article mérite d’être approfondi et notamment deux références antérieures du même auteur qui sont des exemples explicites de la relation entre statistique et mécanique quantique :

La mécanique quantique comme théorie statistique

Classé dans : Statistiques, quantique — Sebastiao Correia 1 novembre 2008 @ 22:15
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Il est couramment reconnu que la mécanique quantique est une théorie probabiliste ne permettant pas de prédire des événements individuels, mais s’attachant plutôt à donner des probabilités d’apparition de chaque type d’événement. En ce sens, la mécanique quantique est plutôt une théorie statistique qu’une théorie déterministe.
L’article suivant « The statistical origin of quantum mechanics » enfonce le clou et va plus loin.

Tout d’abord, l’auteur définit trois types de théories :

  1. type 1 : les théories déterministes. Un événement est complètement décrit par les lois déterministes et la connaissance des conditions initiales. L’exemple type est la mécanique classique.
  2. type 2 : les lois sont déterministes mais les conditions initiales sont inconnues. Les prédictions de ces théories portent sur un ensemble d’individus. L’exemple type est la mécanique statistique
  3. type 3 : il n’y a plus ni lois déterministes, ni conditions initiales connues. Nous allons voir que ce type de théories comprend la théorie quantique (même si l’équation de Schrödinger est déterministe, elle ne porte pas pour autant sur des événements individuels)

L’auteur commence avec un ensemble de deux équations différentielles (lois déterministes) d’un système classique à une dimension.
d/dx x(t)={p(t)}/m
d/dt p(t)=F(x(t))
F=-{dV(x)}/dx
Les observables du système, que sont la position x et l’impulsion p, sont ensuite remplacées par les valeurs moyennes de variables aléatoires ayant chacune une loi de probabilité inconnue. Les équations obtenues forment une théorie non déterministe puisque les lois ne s’appliquent plus à des événements individuels mais à des ensembles statistiques.

L’auteur appelle cet ensemble d’équations les conditions statistiques. Ces équations définissent une infinité de théories possibles. Pour restreindre le champ des théories possibles, une loi de conservation locale des probabilités est supposée. Avec cette loi de conservation et les conditions statistiques, l’auteur retrouve des caractéristiques propres à la théorie quantique comme la représentation de l’impulsion sous forme d’opérateur hermitique et la relation entre les densités de probabilité dans l’espace de configuration et celles dans l’espace des impulsions (équ. 20).

En passant, l’auteur trouve une condition de classicalité des théories sous la forme d’une condition d’indépendance de S(x,t) dans la densité de probabilité de la position rho(x,t), S étant une fonction obtenue après transformation des conditions statistiques. Il montre ainsi que les théories de type 1 et 2 sont classiques et que les théories de type 3 sont non classiques dans le sens où S dépend de rho. Par ailleurs, cette dépendance ne peut pas être décrite par des concepts de théories déterministes sous forme d’« interaction » (on pense ici à l’intrication quantique).

L’équation de conservation de probabilité et la deuxième condition statistique conduisent aux parties réelles et imaginaires respectivement de l’équation de Schrödinger.

La loi de conservation de l’énergie découle habituellement des équations (via le theorème de Noether). Ici, puisque les lois ne s’appliquent plus à des événements individuels, elle doit être posée comme condition statistique : « La moyenne statistique de la variable aléatoire énergie est indépendante du temps ». L’auteur montre ensuite que la mécanique quantique est la seule théorie statistique qui vérifie cette condition supplémentaire.

A propos des sondages

Classé dans : Société, Statistiques — Sebastiao Correia 26 mars 2007 @ 23:40
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Cette période pré-électorale est propice aux sondages de toutes sortes. Voici un billet dévoilant un peu la face cachée des instituts de sondage. Je retiens en particulier quatre choses qui me paraissent importantes :

  1. Les données brutes des sondages sont difficilement accessibles voire inaccessibles.
  2. Ces données brutes sont redressées (i.e. corrigées…) par certaines méthodes propres aux instituts de sondage.
  3. Il existerait une loi en France qui oblige les sondeurs à dévoiler les méthodes utilisées pour évaluer les chiffres.
  4. Ceux-ci semblent peu enclins à respecter cette loi.

Sans l’accès aux données brutes, il n’est pas possible de vérifier les sondages. Faut-il faire confiance aveuglément dans ces instituts de sondage ?

Outre le fait que l’on ne puisse pas accéder aux données, on ne connaît pas non plus la méthode utilisée pour calculer les statistiques. Or il faut savoir qu’il existe différentes méthodes statistiques (orthodoxes, bayesiennes…) et que toutes ne consuisent pas exactement au même résultat (Je recommande la lecture du livre de E. T. Jaynes) .

En dehors de ces problèmes de méthodes, il y a également d’autres phénomènes statistiques curieux qui semblent liés à la façon dont on interprète les questions posées. Parmi ces paradoxes, il y a l’effet de framing, l’erreur logique de la conjonction…Ces paradoxes nous montrent que la façon de tourner les questions n’est pas innocente et peut changer du tout au tout le résultat des sondages. Nous ne raisonnons pas d’une façon strictement logique lorsque nous répondons à un questionnaire…

A tel point que des physiciens, philosophes et sociologues tentent maintenant d’utiliser le formalisme quantique pour résoudre ces paradoxes.
J’ose espérer quand même que pour ces questions d’élections, les questions sont bien posées… et que les paradoxes seront évités ;-)
Après cette brève digression vers le quantique, je donne le lien sur l’article original qui est accessible ici sur le site de Claire Durand (professeur de sociologie au Canada).