Faisant suite au séminaire Poincaré des 4 et 18 décembre 2010, voici un résumé des deux informations les plus intéressantes que j’ai retenues :
- Le concept du temps est de plus en plus déconstruit par la science, à tel point que pour certains, le temps n’existe pas : passé, présent, futur coexistent.
- la technologie actuelle est capable de mesurer les effets relativistes qui existent à la vitesse d’une bicyclette ou ceux dûs au champ de gravité à l’échelle d’une trentaine de centimètre.
Dans ce billet, je vais me contenter de parler de l’inexistance du temps, comme je l’ai suggéré dans mon titre. En particulier, je vais plus parler de la première présentation de ces deux jours, celle de Thibault Damour. Le texte publié (en anglais) est relativement court et se lit aisément. La présentation est également disponible ici.
Selon, la relativité, le voyage dans le futur est possible : quelqu’un voyageant à une vitesse proche de celle de la lumière ne vieillira quasiment pas et pourra retrouver son jumeau beaucoup plus vieux, donc le futur est déjà présent en quelque sorte.
Le temps selon T. Damour n’est qu’une illusion. On le comprend donc pour le futur, mais c’est également vrai pour le passé.
Plusieurs théories ont contribué à afaiblir la notion de flèche du temps irréversible :
- L’univers de Boltzmann : Le principe de la fluctuation anthropique suggère que l’univers visible est dû à une fluctuation de l’entropie. Le temps s’écoule dans un sens ou dans l’autre selon la statistique locale des régions d’un univers beaucoup plus grand. Ce scénario a été réfuté par Landau et Lifshitz en 1938, puis Feynman entre autres, mais il est à nouveau débattu en cosmologie.
- L’univers de Gödel : Gödel propose une solution des équations de la relativité générale dans laquelle il existe des lignes d’univers closes pour lesquelles le passé est accessible en passant par le futur.
- L’univers de Gold (1962) : la variation d’entropie est liée à l’expansion de l’univers. Dans le modèle de Gold, l’univers naît avec un big bang et meurt avec un big crunch. L’entropie diminuant lors du big crunch, la flèche du temps s’inverserait lorsque l’univers commence sa contraction.
La dissymétrie entre passé et futur constatée dans l’univers est liée à la seconde loi de la thermodynamique qui dit que l’entropie d’un système croît toujours. Ce lien entre l’entropie et la cosmologie a été abordé pour la première fois par Lemaître en 1931 avec son hypothèse de l’atome primitif à la base du big bang.
Et puisque pour certains sous-sytèmes, l’entropie peut décroître, la flèche du temps peut pointer dans le sens inverse que celui que nous lui connaissons dans d’autres parties de l’univers.
En physique quantique, une asymétrie temporelle apparaît lors d’une mesure : l’état du système avant et après la mesure est différent. Pour T. Damour qui prône l’interprêtation d’Everett de la mécanique quantique, on comprend que le temps n’est qu’une illusion car tous les états existent dans des univers différents. L’illusion d’un temps qui passe est liée à la deuxième loi de la thermodynamique. Voir aussi un billet sur les « many worlds in one » de Vilenkin ou l’article suivant : http://arxiv.org/abs/gr-qc/0102010
Il peut paraître cependant surprenant que Boltzmann ait pu obtenir une équation non symétrique en temps (donnant un sens au temps) à partir des équations microscopiques qui sont symétriques en temps (et donc réversibles). C’est en effet l’objectif du théorème H de déduire l’irréversibilité de l’entropie à partir des équations de la mécanique classique.
Mais on verra cependant avec un autre conférencier, Jos Uffink, que la démonstration de Boltzmann n’est pas valide, ni même le théorème de Lanford qui se voulait plus rigoureux que Boltzmann.
Je tenterai de revenir là-dessus dans un prochain billet.