QLog (Quantized Log)

La fin du principe de complémentarité de Bohr?

Classé dans : quantique — Sebastiao Correia 2 mars 2007 @ 23:37
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Selon la mécanique quantique, les expériences sur les particules quantiques présentent un aspect corpusculaire et ondulatoire à la fois. C’est la fameuse dualité « onde-corpuscule ». A ce sujet, voir ce billet.

Le principe de complémentarité de Bohr prévoit quant à lui qu’il n’est pas possible d’observer les deux aspects en même temps. Et jusqu’à récemment, c’était vrai : les expériences (dont l’expérience des fentes d’Young) montraient soit l’aspect ondulatoire, soit l’aspect corpusculaire.

Shahriar S. Afshar a repris l’expérience des fentes d’Young et l’a adaptée pour qu’elle puisse révéler les deux aspects à la fois. Le système est ingénieux et presque trivial. Le tout était d’y penser.

Son expérience semble réfuter le principe de complémentarité de bohr, puisqu’elle montre que les photons se comportent de façon ondulatoire malgré la connaissance du chemin par lequel ils sont passés (en tant que particules). Si cette expérience se confirme, ça pourrait bien être une petite révolution dans le « monde quantique ».

Sources :

  1. Le blog d’Automates Intelligents : Pourra-t-on sauver le soldat Niels Bohr? où l’on trouvera un schéma de l’expérience.
  2. L’article de Shahriar S. Afshar est ici.
  3. Voir aussi l’article d’Automates intelligents de juillet 2004.

Fluctuations quantiques et temps discret

Classé dans : quantique — Sebastiao Correia 21 février 2007 @ 0:10
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[quant-ph/0612033] Approche intrinsèque des fluctuations quantiques en mécanique stochastique

Encore un article sur la dérivation de la mécanique stochastique de Nelson. L’article est très court et en Français.

L’idée du papier est de montrer que les fluctuations quantiques se déduisent de la nature discrète du temps et de la fractalité des trajectoires microscopiques. Il s’appuie sur les mathématiques non standard.

Le temps est donc discrétisé. La reformulation du principe de Heisenberg par Feynman h / {2 pi  m} <= {Delta x}  / { Delta t} permet de montrer que les trajectoires sont continues, mais non différentiables :
x(t+ delta t) = x(t) + b delta t pm sigma sqrt {delta t}

Le signe devant sigma est une variable aléatoire et les valeurs +1 ou -1 sont supposées équiprobables. On a donc une marche aléatoire.

Si x est markovien (b et sigma sont des fonctions de t et x(t) et non de delim{lbrace}{x(tau)  :   0 < tau < t }{rbrace}), alors cette marche aléatoire équivaut à une équation différentielle stochastique usuelle.

L’introduction d’un champ de fluctuations quantiques de nature browniennes pour justifier la mécanique stochastique de Nelson n’est plus nécessaire.

Note :
Ces travaux et d’autres montrent l’importance grandissante des mathématiques non standard. En particulier, le temps jusque là toujours considéré comme réel et continu semble montrer des signes de fatigue. La discrétisation du temps semble de plus en plus s’imposer pour justifier les équations « étranges » de la mécanique quantique.

La mécanique quantique comme approximation d’une autre théorie

Classé dans : quantique — Sebastiao Correia 11 février 2007 @ 22:10
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[quant-ph/0609109] Could quantum mechanics be an approximation to another theory?

Voici un article intéressant qui demande à être étudié plus en détails. Plusieurs raisons poussent l’auteur à penser que la mécanique quantique pourrait n’être que l’approximation d’une théorie plus profonde :

  1. les difficultés qu’il y a à étendre la mécanique quantique à la cosmologie,
  2. le problème de la mesure,
  3. les succès de la théorie de l’information,
  4. la « non-localité » mise en évidence expérimentalement par les expériences EPR.

L’auteur se pose la question des conditions que doit remplir une théorie cosmologique non locale qui reproduirait les résultats de la mécanique quantique. Selon Lee Smolin, une telle théorie peut être déterministe ou stochastique, mais doit certainement être non locale. Cette non-localité pourrait d’ailleurs s’expliquer à l’aide de théories microscopiques de l’espace-temps.

Pour Smolin, la dynamique stochastique de Nelson est une étape de la dérivation de la mécanique quantique à partir d’une théorie à variables cachées. Elle serait une sorte de théorie effective décrivant de façon approximative un sous-système de l’univers.

Smolin aboutit à une liste de conditions à remplir pour que la mécanique quantique soit vue comme une approximation d’une théorie non locale décrivant un sous-système :

  1. Pour que le sous-système soit décrivable en termes d’équation différentielle stochastique, il faut que la moyenne faite sur les variables cachées introduise un bruit aléatoire dans l’évolution du sous-système.
  2. Il doit y avoir une notion d’énergie moyenne conservée dans le temps.
  3. Le système doit rester invariant par renversement du temps même après la moyene prise sur les variables cachées.
  4. Les premières dérivées spatiales et temporelles sont suffisantes pour une approximation à basse énergie de la dynamique moyenne. Ce qui impose au courant de probabilité des variables du sous-système d’être irrotationnelles.

Les conditions 2 et 3 sont très contraignantes et non respectées habituellement lorsque l’on décrit un système couplé à un réservoir.

Dans le premier paragraphe, Smolin montre comment la mécanique quantique peut être retrouvée à partir de la formulation stochastique de Nelson.

Dans cette dérivation, on retrouve le potentiel quantique de la théorie de Bohm (Eq. 17). Smolin interprète de deux manières la possibilité d’obtenir la mécanique quantique à partir de la mécanique de Nelson :

  • Soit on suppose que l’énergie d’une particule peut dépendre du gradient de la densité de probabilité de présence de la particule. L’ensemble statistique rentre ainsi en jeu et influence la particule (comme c’est le cas pour la théorie de Bohm).
  • Soit on suppose que cette dépendance non linéaire est le résultat d’une moyenne sur une distribution de variables cachées non locales.

Smolin s’attaque à ce point dans le paragraphe suivant. Son but est de montrer que la théorie de Nelson peut à son tour être la conséquence d’une théorie à variables cachées.

Pour cela, le temps est discrétisé dt > 0″ title= »dt > 0″/> et conduit à une non différentiabilité de la trajectoire <img src=. Les variables cachées y sont supposées différentiables par rapport au temps.

Dans le calcul de l’énergie cinétique moyenne , Smolin fait l’hypothèse d’interchangeabilité entre la limite dt right 0 et l’intégration sur les variables cachées y.

Cet échange de l’ordre des opérations fait passer la description de trajectoire à un point de vue ensembliste :
La notion de trajectoire non différentiable pour des particules en mouvement brownien est une bonne approximation lorsque la moyenne est faite sur une échelle de temps suffisamment grande devant l’échelle de temps microscopique tau. Au-dessous de cette échelle, les trajectoires sont différentiables. Au-delà, elles sont tellement chaotiques qu’une description de la dynamique en termes d’ensemble de particules est plus appropriée.

A partir de cette hypothèse de commutativité des opérations limite et intégration, l’énergie moyenne (conservée) conduisant à l’équation de Schrödinger est retrouvée (à condition d’avoir défini l’énergie cinétique de façon invariante par rapport au renversement du temps Eq. 41).

C’est seulement si l’effet des variables cachées sur les observables respecte l’invariance par renversement du temps que les équations quantiques sont retrouvées.

(Lire la suite…)

Simulation numérique de l’expérience EPR-B

Classé dans : quantique — Sebastiao Correia 17 janvier 2007 @ 0:25
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Voici un article « Event-by-event simulation of EPR-Bohm experiments » dans lequel les auteurs proposent une simulation numérique de l’expérience EPRB. Dans cet article, ils présentent un algorithme générant deux ensembles de données, notés gamma_1, gamma_2 permettant de retrouver la corrélation quantique en E(a, b)=-cos theta_{ab}.
La corrélation naïve classique est linéaire et n’est pas vérifiée par l’expérience, contrairement à la relation en cosinus (provenant de la loi de Malus).
Les deux points importants de l’article sont la notion de fenêtre temporelle pour la mesure d’une coïncidence et la définition d’un instant de mesure stochastique. Les événements sur les détecteurs a et b interviennent en coïncidence (i.e. proviennent d’une paire de particules corrélées) s’ils ont lieu dans cette fenêtre de temps. Les variables aléatoires de spin sont corrélées classiquement (le spin 1 est opposé au spin 2). L’instant de la mesure au niveau d’un détecteur est généré aléatoirement aussi selon une distribution uniforme dans un intervalle particulier.

C’est là où je ne vois pas comment ils ont choisi cet intervalle et en particulier comment il peut être justifié. Pour l’événement n° n, la particule 1, et le détecteur a, l’instant de la mesure du spin S est donné par une variable aléatoire dans l’intervalle
[0, T(1-(S_{n,1}.a)^2)^{d/2}].
d est un paramètre qui lorsqu’il vaut 0, permet de retrouver la corrélation linéraire du modèle naïf classique à la Bell ; et lorsqu’il vaut 3 permet d’obtenir une corrélation en cosinus telle que la corrélation quantique.

Deux mesures sur les deux détecteurs sont considérées en coïncidence si la différence entre les instants des mesures est plus petite que la fenêtre de temps choisie précédemment. Ici intervient un autre paramètre qui est la taille de cette fenêtre. La façon dont est choisi ce paramètre n’est pas claire.

Lorsque le paramètre d est supérieur à 3, la corrélation est plus forte que celle prédite par la mécanique quantique. Ce paramètre semble être relié au nombre de composantes de la variable physique à décrire. Dans le cas d’un spin à trois composantes, d=3, dans le cas d’un photon à 2 composantes, d=2 pour retrouver la corrélation quantique.

Mis à part que l’algorithme proposé reproduit les corrélations attendues par la théorie quantique et l’expérience, j’ai le sentiment qu’il manque des justifications pour les formules utilisées et les paramètres définis (d’autres articles plus détaillés semblent prévus par les auteurs).

Par contre, il ressort clairement qu’en jouant avec la temporalité des événements, on arrive à reproduire des statistiques semblables à celles obtenues par la théorie quantique. Cela me fait d’ailleurs penser à un autre exemple de simulation dans lequel une discrétisation du temps permettait de reproduire les figures interférences dans un dispositif de fentes d’Young.

L’article et d’autres références du même auteur sont disponibles ici.

Temps et thermodynamique quantique – Alain Connes – 22 nov. 2006

Classé dans : Physique — Sebastiao Correia 28 novembre 2006 @ 23:20
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C’est toujours un plaisir d’écouter Alain Connes lors de ses exposés, même si je n’ai pas vraiment le niveau mathématique pour bien comprendre tout ce qu’il présente. J’essaie de présenter ci-après les notes que j’ai pu prendre durant la conférence en ajoutant quelques liens sur divers articles en rapport avec le sujet.

Mise en garde : Il se peut bien sûr que dans ces notes, des erreurs aient pu se glisser du fait de ma mauvaise connaissance de certains des domaines abordés. Je remercie l’éventuel lecteur expert qui laissera un commentaire permettant de corriger ces erreurs.

Pour cette journée sur Boltzmann, Alain Connes nous présente un lien entre la thermodynamique quantique et le temps.
Dans l’ensemble canonique, l’état de Gibbs d’un opérateur A est donné par phi (A) = Z^{-1} tr(A e^{-beta H} ).
Dans la représentation de Heisenberg, l’opérateur A dépend du temps :
sigma_t (A) = e^{itH} A e^{-itH}, où H est le hamiltonien. La dynamique est donnée par un groupe d’automorphismes à un paramètre de l’algèbre des observables A right sigma_t (A).

Le point essentiel de l’exposé est la condition KMS qui relie un état à son évolution dans le temps :

F_{x,y} (t) = phi (x sigma_t (y))
F_{x,y} (t + i beta) = phi ( sigma_t (y) x)   forall t in R

Le temps imaginaire permet l’échange de x et y.

En 1967, Tomita montre qu’il existe un unique groupe à un paramètre qui vérifie la condition KMS pour beta=1 pour une algèbre de von Neumann.
Dans sa thèse en 1972, Alain Connes montre qu’une algèbre de von Neumann possède une évolution canonique. Une algèbre non commutative « tourne » avec le temps, elle a une période. La non-commutativité implique l’évolution. De la non-commutativité surgit un paramètre qui ressemble au temps.

La question que se pose Alain Connes par la suite est de savoir si cette évolution est liée au temps.

En 1992, Rovelli propose une origine thermodynamique du temps. La question devient alors : « Quelle est la notion de temps impliquée en gravité quantique ? »

Connes et Rovelli ont publié ensemble un article sur cette question.

D’après l’article de Tomita, chaque fois qu’on se donne un état, on a donc un groupe à un paramètre. En prenant comme état initial le bain thermique dans l’univers (le rayonnement à 3K), et en se rappelant notre déplacement par rapport à ce rayonnement, on note que l’invariance de Lorentz est brisée par ce déplacement. Le soleil se déplace en effet à 370km/s par rapport à ce bain thermique et notre galaxie à plus de 600km/s. (Connes fait remarquer que si ce rayonnement avait été découvert au 19ième siècle, il aurait pu être à tort pris pour l’éther.) Notre temps apparaît comme le paramètre naturel obtenu si l’on part avec l’état initial donné par le fond cosmologique.

Frobenius en caractéristique zéro et lien avec la théorie des nombres. (Désolé, je n’ai pas assez bien suivi ce passage pour le retranscrire ici).

Thermodynamique des espaces non-commutatifs (ENC).

Un ENC a une évolution dans le temps, donc un groupe à un paramètre. Il est possible de changer la température pour « refroidir » un ENC : on cherche les états KMS pour beta {>} 1″ title= »beta {>} 1″/>. Parmi les différents états possibles, on regarde les états extrémaux.</p>
<p>Les zéros de la fonction zeta de Riemann apparaissent à partir de ce système (endomotifs) .</p>
<p>On veut une théorie cohomologique compatible avec la théorie de Galois.</p>
<p>La fonction de partition <img src= correspond à la fonction zeta de Riemann. A son pôle beta = 1 correspond un système quantique.

KMS et la transition de phase électrofaible.

Dans le modèle standard, on a une brisure spontanée de symétrie due à un potentiel quartique (double puits) pour lequel il y a brisure de symétrie. Si la température augmente, le potentiel n’a plus qu’un puits et la symétrie est restaurée. En relativité, dès qu’on fait de la géométrie, il y a brisure de la symétrie qui permet d’échanger toutes les géométries.

Il existe un ensemble d’analogies entre les Q-Réseaux et la gravité quantique qui ne demandent qu’à être approfondies.

Alain Connes a une théorie qui redonne la gravitation quantique et le modèle standard. Elle suggère qu’il est illusoire de chercher une théorie de gravité quantique sur un seul espace-temps fixe.

Le décalage vers le rouge est une homothétie sur les fréquences, ce n’est pas une translation. Le télescope Hubble a permis d’observer un décalage d’un facteur 100.

Une image thermodynamique de la gravitation commence à se faire jour.

Pour approfondir :

Sur la condition KMS : R. Haag, N. Hugenholz and M. Winnink, Commun. Math. Phys. 5, 215 (1967).

Note : Ce résumé ne permet certainement pas de comprendre clairement ce qu’a exposé Alain Connes, mais j’espère qu’il offre tout de même quelques pistes pour étudier plus précisément le sujet.

Le graphène

Classé dans : Physique — Sebastiao Correia 13 novembre 2006 @ 22:32
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Le graphène est une feuille de carbone de l’épaisseur d’un atome, obtenue en 2004 par l’équipe de Geim et Novoselov à l’université de Manchester. Son réseau bidimensionnel en forme de nids d’abeille lui procure des propriétés particulières.

  1. Les électrons se déplacent dans ce réseau comme s’ils n’avaient pas de masse et sont décrits par l’équation relativiste de Dirac. Ils se déplacent à une vitesse 300 fois inférieure à celle de la lumière dans le vide.
  2. Les autres fermions de Dirac de masse nulle sont les neutrinos, bien connus en physique des particules. La différence est que les neutrinos n’ont pas de charge électrique comme leur nom l’indique et sont par conséquent peu sujets aux interactions avec la matière.
  3. L’effet Hall quantique des feuilles de graphène est différent de l’effet Hall des métaux ordinaires. Klaus von Klitzing a montré que la résistivité des gaz d’électrons bidimensionnels devient quantifiée quand la température approche le 0 absolu. L’effet Hall quantique ordinaire est décrit par la résistivité r= h/{n e^2}e est la charge électrique, h la constante de Planck et n un entier positif.
  4. Dans le graphène, la résistivité est quantifiée seulement par des nombres impairs. Cet effet a été observé par le groupe de Geim et celui de Kim de l’université Columbia (USA), et qui plus est à température ambiante.
  5. Contrairement aux métaux ordinaires, le graphène a une résistance électrique indépendante du nombre d’impuretés présentes dans le milieu. L’espoir est de construire un jour des « transistors balistiques » ultrarapides.
  6. La constante de structure fine du graphène (caractérisant la force de l’interaction électromagnétique) devrait être plus grande que celle donnée par la QED (électrodynamique quantique). Elle n’a pas encore été mesurée.

Avec ces particularités, le graphène permet d’explorer des domaines habituellement réservés à la physique des hautes énergies.

Il peut s’avérer utile pour l’étude de la brisure de symétrie chirale (les neutrinos ont une hélicité gauche, et les anti-neutrinos une hélicité droite). Les électrons dans le graphène ont aussi bien une hélicité gauche qu’une hélicité droite. Il serait intéressant de voir dans quelles conditions une brisure de symétrie peut apparaître.

La constante de structure fine alpha pourrait ne pas être constante, comme le propose Xiao-Gang Wen du MIT. Le graphène pourrait permettre d’investiguer ces théories.

Le phénomène de Zitterbewegung (oscillations des électrons de Dirac le long de leur trajectoire dues aux interférences entre électrons et trous) pourrait être étudié plus facilement, puisque l’amplitude des oscillations devient non négligeable dans le graphène et serait de l’ordre du nanomètre.

Le graphène pourrait permettre aussi l’étude du paradoxe de Klein, pour lequel une barrière de potentiel devient transparente aux électrons relativistes.

Source : article de Physics World.

La mécanique quantique à partir du chaos

Classé dans : quantique — Sebastiao Correia 1 novembre 2006 @ 18:20
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Une idée me trotte dans la tête depuis quelques temps : Et si la mécanique quantique était une théorie probabiliste générique capable de faire des prédictions sur des phénomènes chaotiques. Plusieurs pistes conduisent à penser à quelque chose de ce genre, même si l’idée précise n’est pas encore claire. Parmi ceux qui me font suspecter ce lien entre mécanique quantique et chaos, il y a Prigogine, Morey Bailly, Adler, Nottale, Smolin…

Un article récent au titre prometteur discute cette idée :

On the Possibility of Nonlinearities and Chaos Underlying Quantum Mechanics.

Malheureusement, je trouve que l’article est très léger pour un article scientifique. 80% du papier sert seulement à présenter la théorie du chaos, les « maps » unimodales et la loi de décroissance exponentielle de la radioactivité, le théorème de Bell et quelques « réfutations ». Tout ce qui est présenté est très académique. Le seul paragraphe nouveau (au moins pour moi) est le paragraphe IV.4 dans lequel McHarris présente les travaux de Tsallis sur l’extension de la définition de l’entropie. Cette définition étendue conduit à une thermodynamique « non extensive ». L’entropie généralisée s’écrit :

S_q = {1 - sum{i=1}{W}{ {p_i}^q}}/{q-1}

et se réduit à l’entropie usuelle lorsque q=1 :

S_1 = - sum{i=1}{W}{p_i ln p_i}

W est le nombre de cellules de l’espace des phases de même mesure et p_i la probabilité du système d’être dans la cellule i. Cette entropie a la propriété d’être subadditive q < 1 ou superadditive q > 1 et dans ce cas, la somme d’entropie conduit à des termes croisés (rappelant à l’auteur les termes croisés que l’on retrouve en mécanique quantique).

Il reste pourtant que cette entropie a peu de justification théorique pour le moment et que le lien avec la mécanique quantique est encore lointain.
Au final, les liens entre mécanique quantique et chaos présentés dans ce papier ne sont (à mon avis) que quelques vagues idées sans grand fondement. Bien sûr, peut-être que certaines de ces idées peuvent servir de guide pour un travail de recherche, même si elles sont bien floues…

9 formulations de la mécanique quantique

Classé dans : quantique — Sebastiao Correia 18 octobre 2006 @ 23:27
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« Nine formulations of quantum mechanics » de D. F. Styer et al. dans American Journal of Physics — March 2002 — Volume 70, Issue 3, pp. 288-297.Voici un article qui présente brièvement et pédagogiquement 9 formulations de la mécanique quantique (et non ses interprétations, la nuance étant que les formulations sont différentes approches mathématiques alors que les interprétations sont plus du point de vue conceptuel). On pourra trouver l’article ici (si le lien est toujours valide).

Je note ici les points essentiels de chaque formulation. Cependant, l’article donne en plus les références incontournables et également les références historiques. Pour chaque formulation, les auteurs s’attachent également à considérer comment se différencient les bosons des fermions, ce dont je ne parlerai pas dans ce post.

  1. La formulation matricielle de Heisenberg. C’est la formulation dans laquelle les observables sont représentées par des matrices (aussi appelées « opérateurs »). Les valeurs propres des matrices correspondent aux valeurs mesurables dans les expériences. Les états quantiques sont des vecteurs indépendant du temps. La dépendance temporelle est portée par les opérateurs. Cette formulation est très pratique pour résoudre les problèmes d’oscillateurs harmoniques et de moments angulaires.
  2. La formulation de la fonction d’onde de Schrödinger. Le concept important n’est plus la quantité mesurable, mais l’état quantique qui est une fonction complexe dans un espace de configuration à 3 dimensions (pour 1 particule). Contrairement à ce que souhaitait Schrödinger, la fonction d’onde n’a pas d’existence réelle ; elle est principalement un outil de calcul des probabilités des observations possibles. La dépendance temporelle est portée par la fonction d’onde, et non plus par les opérateurs. C’est la formulation la plus courante de la mécanique quantique.
  3. La formulation de l’intégrale de chemin de Feynman. Le concept important n’est plus l’état mais la probabilité de transition entre un état initial et un état final. Dans cette formulation, on énumère tous les chemins possibles permettant de passer de l’état initial à l’état final. A chaque chemin est affectée une « amplitude » de probabilité. Le module carré de la somme sur tous les chemins de ces amplitudes donnent la probabilté de transition recherchée. Cette formulation est loin d’être pratique à utiliser sauf dans les simulations de Monté-Carlo de systèmes quantiques.
  4. La formulation de la distribution de (quasi-)probabilité dans l’espace des phases de Wigner. Le concept central est la distribution de l’espace des phases notée W(x,p,t) qui remplace la fonction d’onde. Cette distribution offre l’avantage d’être purement réelle (contrairement à la fonction d’onde qui est complexe) et de donner facilement la densité de probabilité de la position ou de l’impulsion par simple intégration. Mais ce n’est pas une densité de probabilité dans l’espace des phases car elle peut prendre des valeurs négatives. Elle n’est pas non plus la façon la plus économique d’enregistrer de l’information sur l’état quantique. Son utilisation est essentiellement en optique quantique. Elle est très utile pour considérer la limite classique.
  5. La formulation de la matrice densité (ou opérateur densité). Cette formulation est particulièrement performante lorsqu’il s’agit de travailler avec des états mixtes (faisant intervenir des mélanges statistiques d’états quantiques). La fonction d’onde ne permet de représenter simplement des mélanges statistiques d’états. La matrice densité est toujours hermitienne. Les calculs de moyenne d’opérateurs se font à l’aide de la formule de trace. Comme la distribution de Wigner, la matrice densité est coûteuse en termes de stockage d’information sur l’état quantique. Néanmoins, elle trouve des applications dans plusieurs domaines de la physique et en particulier en physique quantique statistique.
  6. La formulation de la seconde quantification (ou formalisme du nombre d’occupation). Dans cette formulation en étroite relation avec la théorie quantique des champs, le concept central est celui d’opérateur de création et d’annihilation de particule. Cette formulation est fondamentale pour l’étude des systèmes à plusieurs particules. Les opérateurs agissent sur un état de vide quantique de particule et permettent la création de particules à partir du vide ou la destruction de particules existantes.
  7. La formulation variationnelle. Elle s’inspire du principe de Hamilton (principe de moindre action) de la physique classique. Le concept ici est la fonction d’onde qui minimise l’intégrale d’action sur le temps et l’espace de configuration. Ce critère de minimisation est équivalent à l’équation de Schrödinger. Cette formulation est un outil puissant pour étendre la physique à de nouveaux domaines.
  8. La formulation de l’onde pilote de de Broglie-Bohm. Cette formulation propose une description corspuculaire des particules dans l’espace physique et en même temps utilise une fonction d’onde (l’onde pilote) dans l’espace des configurations qui contraint le mouvement des particules. Les équations du mouvement font apparaître une énergie potentielle d’origine purement quantique : le potentiel quantique. Ce potentiel est le responsable des phénomènes quantiques. Cette formulation n’est pas simple d’utilisation mais elle offre une vision proche de la physique classique.
  9. La formulation de Hamiton-Jacobi. Dans cette formulation, un changement adéquat de variable permet d’écrire les équations du mouvement avec l’ensemble de variables dites d’action et d’angle. La formulation de la mécanique quantique sous cette forme est récente (1983) et est due à R. Leacock et M. Pagdett. Le concept central est la fonction principale de Hamilton S(x,t). Cette approche permet d’obtenir des valeurs propres de l’énergie sans recourir aux vecteurs propres, très utile dans les problèmes d’états liés.

Ces différentes approches formulent de manière différente l’étrangeté de la mécanique quantique, mais aucune ne peut l’éliminer.

Un mot sur les interprétations :

  • Il y a l’interprétation des mondes multiples d’Everett dans laquelle toutes les histoires existent en parallèle, mais seule une histoire nous concerne. C’est probablement l’interprétation la plus naturelle lorsque l’on part de la formulation de Schrödinger. Ce qui ne veut pas dire selon moi que c’est l’interprétation qui a le plus de sens.
  • Il y a aussi l’interprétation transactionnelle de Cramer dans laquelle à la fois sources et détecteurs de particules émettent une onde (retardées et avancées). Les interférences destructives assurent que la particule arrive sur le détecteur après avoir quitté la source. Cette interprétation que je connais très peu permettrait de mieux visualiser des processus quantiques complexes et d’analyser rapidement des situations autrement paradoxales.
  • La théorie de la fonctionnelle densité de Hohenberg et Kohn est un outil très puissant pour traiter les états fondamentaux de systèmes complexes en matière condensée et en chimie.
  • La théorie de la décohérence s’attache à expliquer pourquoi le monde macroscopique n’est pas quantique.
  • Les histoires consistentes de Griffiths sont une autre interprétation.
  • La localisation spontannée continue étudie l’effondrement de la fonction d’onde en modifiant l’équation de Schrödinger.

De la musique quantique

Classé dans : Arts, quantique — Sebastiao Correia @ 1:27
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A découvrir :

The Music of the Quantum

Une composition de Jaz Coleman jouée en mars 2003 à New York.

La musique idéale pour lire de la physique quantique ;-)

Sur le site, vous pouvez écouter le concert et même visionner des vidéos : sélectionnez le lien « The music of the quantum ».

Mécanique quantique : Mythes et faits

Classé dans : quantique — Sebastiao Correia 14 octobre 2006 @ 17:43
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Dans cet article, Nikolic passe en revue les assertions les plus courantes au sujet de la mécanique quantique qui n’ont pas de justification solide :
[quant-ph/0609163] Quantum mechanics: Myths and facts

L’article est très pédagogique et donne une centaine de références pour approfondir les différents sujets abordés.

Sans rentrer dans le détail, je résume les mythes « révélés » dans ce papier ci-dessous :

  • La dualité onde-corpuscule. Il n’y a pas en fait de dualité onde-corpuscule. La mécanique quantique a des aspects ondulatoires la plupart du temps et corpusculaires dans certains cas, sans pour autant être complètement décrite ni par l’une ni par l’autre des théories classiques. Pour Nikolic, la physique classique n’est qu’une approximation de la mécanique quantique (ce qui à mon avis est aussi un mythe). Et l’interprétation bohmienne de la mécanique quantique est la seule à offrir une sorte de vraie dualité onde-corpuscule.
  • La relation d’incertitude temps-énergie. En mécanique quantique, les relations d’incertitude se déduisent des relations de commutation des opérateurs. Le temps, lui, n’est pas un opérateur comme c’est le cas pour la position et l’impulsion par exemple. Et le théorème de Pauli, en interdisant le remplacement du temps par un opérateur, rend impossible la construction d’une relation d’incertitude temps-énergie. Busch a tenté de modifier des axiomes de la théorie quantique pour pouvoir introduire une relation de commutation entre un opérateur temps et le hamiltonien (opérateur énergie). Cependant, il semble qu’il y ait un contre-exemple (théorique) à la relation d’incertitude temps-énergie (article de Aharonov-Bohm de 1961).
  • La mécanique quantique implique une nature fondamentalement aléatoire. Cette assertion est liée au problème des théories à variables cachées. Même le théorème de Bell qui exclue une partie des théories à variables cachées, n’exclue pas qu’il puisse exister des théories à variables cachées déterministes capables de rendre compte des phénomènes quantiques. C’est d’ailleurs le cas avec la théorie de Bohm.
  • Il n’y a pas de réalité en dehors de la réalité mesurée. Les variables classiques discrètes peuvent être représentées par un formalisme probabiliste équivalent au formalisme quantique à l’aide des nombres complexes, de vecteurs et de matrices. Cependant, dans cette reformulation de la physique classique, les matrices ne représentent pas des quantités physiques, mais des opérateurs décrivant des transformations. Au contraire, pour la physique quantique, les matrices ont un double rôle d’opérateurs et de variables physiques. Du fait de la non commutativité entre certains opérateurs, la mesure simultanée de variables physiques (opérateurs) est soumise à conditions. En particulier, les mesures dépendent du contexte expérimental. Et des théorèmes comme les inégalités de Bell montrent qu’il n’y a pas de théorie non contextuelle ou non locale qui puisse rendre compte des expériences EPR. Le raisonnement classique qui attribue des valeurs bien déterminées aux variables physiques indépendamment du contexte n’est pas applicable en mécanique quantique. Le résultat de Hardy le montre d’une manière très simple avec 2 particules intriquées (voir les équs 43 à 46). Les solutions envisagées par les physiciens pour résoudre ce paradoxe sont diverses, mais aucune n’est encore vraiment complètement satisfaisante. Parmi elles, il y a :
    • la logique quantique, mais la déviation par rapport à la logique classique est considérée trop importante,
    • la notion de variable préférée : toutes les observables n’ont pas nécessairement de réalité physique. Certaines variables seulement doivent être considérées comme étant réelles. Cette solution peut être valable dans certains cas (par ex. la position peut être considérée plus physique que l’impulsion qui est souvent déduite de mesures de positions), mais elle n’est certainement pas valable pour toutes les situations rencontrées en mécanique quantique.
    • la contextualité : là, il y a deux comportements distincts. Le premier est l’interprétation orthodoxe dans sa déclinaison dure, qui prétend qu’il n’y a pas de sens à donner des valeurs à des quantités non mesurées. Dans sa déclinaison moins radicale, l’interprétation orthodoxe laisse une porte ouverte à l’existence de valeurs pour des variables non mesurées, mais s’interdit d’en parler. Le deuxième comportement est l’approche suggérée par les théories à variables cachées, à savoir que la mécanique quantique ne donne pas une description complète de la réalité. Les théorèmes à la Bell n’interdisent pas en effet toutes les théories à variables cachées, mais seulement les théories locales naïves. L’interprétation orthodoxe dure se décline encore en plusieurs branches :
      • le concept d’information sur la réalité serait plus important que celui même de réalité
      • la réalité est relative ou relationnelle
      • des corrélations entre variables existent même si les variables elles-mêmes n’existent pas.
    • Concernant les théories à variables cachées, l’interprétation proposée par Bohm combine la possibilité d’existence de variables préférées (la position) et l’existence de variables cachées (la position même lorsqu’elle n’est pas mesurée). Nikolic semble montrer ici un penchant pour cette théorie.
  • La mécanique quantique est locale/non locale. Il est communément admis que la mécanique classique est locale. Par contre, le cas de la mécanique quantique est moins clair. Un principe de localité est souvent utilisé pour réfuter les théories à variables cachées. Tout d’abord, ce principe n’est qu’une hypothèse. Ensuite, contrairement à ce que prétendent certains, la non-localité ne contredit pas nécessairement la théorie de la relativité. Enfin pour Nikolic, la communication instantanée (plus vite que la vitesse de la lumière) n’est pas exclue par la théorie de la relativité comme le montre la théorie des tachyons (particules encore hypothétiques ayant une vitesse supraluminique). Selon certains physiciens, la communication supraluminique ne contredit pas le principe de causalité. Cela aussi serait donc un mythe. Les expériences de type EPR font pencher la balance vers une mécanique quantique non locale (les corrélations entre sous-systèmes sont non locales). Il existe cependant des physiciens qui vont jusqu’à nier l’existence d’une réalité pour maintenir le principe de localité.
  • Il existe une mécanique quantique relativiste bien définie. L’équation de Klein-Gordon (généralisation relativiste la plus simple de l’équation de Schrödinger) pose de gros problèmes d’interprétation. En particulier, le module carré de la fonction d’onde qui était interprétée comme une probabilité en mécanique quantique non relativiste ne peut plus l’être dans ce formalisme. Et ce même en restreignant les solutions à des valeurs positives de la fréquence. L’équation de Dirac n’a pas de problème d’interprétation en terme de probabilités, mais elle est limitée à la description des particules de spin 1/2, l’équation de Klein-gordon décrivant les particules de spin 0 et les équations de Maxwell celles de spin 1. Les équations de Maxwell ont aussi un problème d’interprétation du même type que les équations de Klein-Gordon.
  • La théorie quantique des champs résoud le problème de la mécanique quantique relativiste. La méthode de la seconde quantification donne le statut d’opérateur à la fonction d’onde. Les coefficients a_k du développement de Fourier de la fonction d’onde sont des opérateurs et leurs relations de commutation sont postulées. En théorie quantique des champs, le concept essentiel n’est plus la fonction d’onde mais l’opérateur de champs défini à partir de l’opérateur fonction d’onde et son hermitique conjugué Equ. (76). Là encore, les relations de commutation de ces opérateurs sont postulées (mais de celles-ci on peut maintenant déduire celles sur les a_k). La théorie quantique des champs semble donc ne faire que repousser le problème plus loin, sans le résoudre vraiment.
  • La théorie quantique des champs est une théorie des particules. La théorie quantique des champs ne tranche pas sur la question de savoir si le monde est formé de particules ou de champs. Il se pourrait même que ce soit ni l’une ni l’autre solution, mais des cordes (theorie des cordes).
  • L’entropie d’un trou noir est proportionnelle à sa surface. En physique classique, l’entropie en tant que quantité extensive est proportionnelle au volume plutôt qu’à la surface. En théorie classique de la gravité, les 4 lois de la thermodynamique classique ont leur équivalent pour les trous noirs. Cependant, ces lois pour les trous noirs ne sont que des analogies et n’ont pas encore de dérivation à partir d’une formulation microscopique. C’est ce que cherchent les différentes approches de gravité quantique.
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